La batterie est un instrument compliqué !
Les écarts de dynamique, le nombre de sources, les différences entre celles-ci nous conduisent à utiliser des outils parfois complexes afin l’intégrer le mieux possible dans notre mixage. C’est ce que nous allons étudier dans ce document.
Note à l’attention des utilisateurs de plug-in
Nous avons remarqué un phénomène étonnant : depuis l’apparition de la visualisation « informatique » des égaliseurs, mais aussi des compresseurs, les yeux ont tendance à prendre le pas sur les oreilles, ce qui est un peu gênant dans le domaine du son.
Ne vous laissez pas impressionner par ce que vous voyez : c’est une indication importante certes, mais ce qui prime est bien le rendu musical.
L’égalisation
- L’égaliseur (ou EQ, ou equalizer) sert à corriger le timbre d’une source.
- Par exemple : soulager le grave un peu brouillon, rajouter un peu de clarté sont des termes courants.
- Sachant qu’il n’est guère prudent d’effectuer ces corrections à la prise (à moins d’être certain du résultat que l’on cherche), l’égalisation fait partie des secrets d’un son de batterie réussi.
- Pour info, la batterie est l’un des instruments au spectre le plus étendu : du sub grave (grosse caisse) à l’extrême aiguë (cymbales). Le bas vous amènera l’assise, le médium l’énergie, le punch et l’aiguë l’air, la clarté.
Donc pas d’impasse !
Les égaliseurs paramétriques
- Le temps est bien loin où les tables de mixages nous offraient généreusement deux correcteurs à bande fixe : un pour le grave vers 100 Hz et un pour l’aiguë à 10kHz !
- Vous disposez aujourd’hui en standard sur vos DAW d’un « EQ 4 bandes, full parametric ».
Oui, mais encore ?
- Sur cet exemple typique, nous voyons donc un filtre baxandall pour le grave et l’aiguë appelé aussi low shelf ou high self. Ce type d’égalisation travaille en plus ou en moins, à partir d’une fréquence et agis sur tout ce qui en dessous pour le grave et au-dessus pour l’aiguë.
- Les paramétriques s’utilisent généralement pour la partie médium (en gros de 200Hz à 4kHz, mais le débat fait rage !).
- À côté de la fréquence et du gain (en dB) vous trouverez la « cloche » ou bandwith ou Q. Ce paramètre détermine la précision de égalisation par rapport à la fréquence choisie. Il s’agit de multiples d’octave. 1 étant une octave, soit pour une fréquence de 2kH, l’égaliseur agira de 1kHz à 4kHz. Pour un Q de 2, il agira 1,5kHz à 3kHz. Cette notion est très importante, car un Q mal choisi fait plus de mal que de bien.
- Vous trouverez aussi des filtres passe-haut (ou coupe bas) et des passe bas (ou coupe haut). Là, il ne s’agit pas d’atténuer, mais bien de couper. Il sont le plus souvent de 12dB par octave, c’est-à-dire que pour un coupe bas réglé à 100Hz sur une source à 0dB, votre signal sera de -12dB à 50Hz et de -24dB à 25Hz. Ce n’est donc pas un « cut » au sens strict.
Dans la pratique, rien ne vous empêche d’utiliser un paramétrique dans le grave ou l’aiguë : une grosse caisse peut très bien avoir un grave globalement satisfaisant, mais présentant une énorme bosse à 80Hz. Auquel cas, il vous mieux retirer cette fréquence à l’aide d’un paramétrique au Q très serré et laisser vivre le reste du grave.
Recommandation
- N’enclenchez jamais un Eq sans savoir pourquoi !
- Si à l’écoute le timbre d’une source semble poser problème, vérifiez-le dans son ensemble.
- Si ce problème se confirme, réglez un paramétrique avec un Q relativement serré et balayez le spectre avec un Eq à +12dB (par exemple). Une fréquence problématique apparaîtra de manière flagrante. Passez votre Eq en négatif, affinez le gain et le Q. Vérifiez dans l’ensemble.
- Attention, une source n’est jamais isolée : lorsque vous aurez rentré la basse, la guitare, les claviers, l’orchestre symphonique, la voix (etc.) dans votre mixage, il faudra certainement retoucher vos égalisations.
Quelques cas classiques d’égalisation de la batterie
Grosse-caisse :
- Le bas médium est souvent « carton-pâte ». Cherchez entre 200 et 500Hz
- Manque ou trop de kick : entre 5 et 10kHz
- Manque de punch : cherchez vers 1kHz
- Manque ou trop de grave : cherchez autour de 100Hz. Attention au type d’Eq utilisé : self ou paramétrique
- Rajout de Sub vers 50Hz (attention à votre système d’écoute!)
Caisse claire : Dessus
- Harmonique désagréable : cherchez entre 500 et 1k
- Manque ou trop de brillance : cherchez à partir de 5kHz
Caisse-claire : Dessous
- Ne pas hésiter à utiliser un coupe-bas : balayez de 0 à 400Hz (il y a souvent un résidu de grosse caisse très moche et déphasé dans ce micro)
- Brillance autour de 10kHz
Charley
- Coupe bas :
- Balayez de 0 à 250Hz
- Brillance autour de 10kHz
- Agressivité : autour de 2,5kHz (cela fera par la même du ménage pour le reste)
Tom
- De même que la grosse caisse le bas médium est souvent « carton-pâte ».
- Cherchez entre 200 et 600Hz
- Manque ou trop d’attaque : cherchez vers 5 ou 6 kHz
- Attention : le côté ballon de basket d’un tom est très difficile à corriger. Soyez prudent à la prise.
Overhead
- Coupe-bas : balayez de 0 à 250Hz
- Sans coupe-bas : le bas médium est souvent « carton pâte ». Cherchez entre 200 et 600Hz
- Brillance autour de 10kHz
- Agressivité : autour de 2,5kHz
Ambiance
- Pas vraiment de ruses : les ambiances dépendent tellement de la cabine de prise de son qu’il est difficile d’établir des « règles ».
- Il faudra juger en fonction de vos prises de son de proximités : l’apport de grave est-il agréable ou dérangeant, le bas médium est-il naturel ou bouché, le haut médium agressif ou dynamique, l’aiguë aéré ou dégueulant de cymbales ?
En résumé
Ceci n’est donné qu’à titre indicatif et pour des prises de sons effectuées correctement. Un autre document vous donnera sûrement d’autres avis. Vous pouvez aussi vous « amuser » avec les presets que propose votre DAW. C’est parfois surprenant et même créatif.
Attention tout de même avec les égaliseurs :
- De par leur conception et à part quelques Eq numériques très haut de gamme, lorsque vous enclenchez un correcteur vous créez une rotation de phases (encore elles!). Celle-ci peut-être plus ou moins gênante, mais elle existe et a pour incidence de rendre votre son flou, brouillon…
- Utilisez cet outil avec précaution : dans notre jargon, faire « mumuse » avec les égaliseurs s’appelle « tordre les sources » !
Les traitements dynamiques
Ces traitements se placent traditionnellement en insert sur votre tranche de console (analogique ou virtuelle). Si vous chaînez plusieurs traitements, essayez d’intervertir l’ordre dans lequel vous les placez sur votre tranche. Les résultats sont parfois surprenants.
Les deux principaux traitements dynamiques utilisés pour le mixage d’une batterie sont :
- Le compresseur
- Le Noise Gate et leurs déclinaisons.
La compression a pour but de limiter les écarts de dynamique, le Noise Gate (porte de bruit) de couper (ou atténuer) le son lorsque qu’une source n’est pas jouée.
La compression
le compresseur « type »
- De gauche à droite les paramètres classiques
- le Threshold ou seuil, détermine à partir de quel niveau votre compresseur entrera en action. Il est exprimé en dB et correspond à un niveau électrique.
- Le Ration est le rapport entre le signal entrant et le signal sortant. Un ratio de 4:1 (prononcer 4 pour 1) signifie que pour 4dB entrant, il n’en sortira qu’un. Pour 8dB, 2dB…
- 1:1 pas de compression, infini pour 1, nous parlons d’un limiteur.
Le Knee (genou) correspond à la linéarité de l’entrée en fonction du compresseur par au seuil.
- L’attaque est le temps que va mettre à agir le compresseur après la détection de sa mise en fonction par le seuil.
- Le release (relâchement) est le temps que va mettre le compresseur pour revenir à son état initial une fois la détection effectuée.
- Le output ou make up est un amplificateur en sortie permettant de compenser la perte de niveau due à la compression.
À partir de là, vous trouverez toutes les variantes possibles et imaginables. Certains compresseurs ne disposent pas de Threshold, mais la compression est déclenchée par le gain d’entrée. Certain ont un temps ou de release fixe (ou fast/slow). Mais le principe est toujours le même : contrôler la dynamique du jeu du batteur.
Pourquoi ?
- Simplement parce que la batterie est un instrument extrêmement dynamique qui peut facilement disparaître ou sortir tel un diable de sa boite lors d’un mixage. Le moindre écart de niveau en deux coups de caisse claire peut être audible et se révéler dérangeant au sein d’une même partie. Nous pourrions utiliser l’automation de volume pour compenser les coups faibles par rapport au coup trop fort, mais dans les musiques actuelles, il y a beaucoup de « coups » de batterie dans une chanson ! Surtout à 180 bpm…
- De plus, pour la plupart des instruments électrifiés (guitare, basse…) la dynamique est restreinte par le système d’amplification. Nous utilisons la compression afin homogénéiser le mixage de la batterie par rapport à son environnement.
- Il y a aussi un parti pris artistique : le son compressé d’une source nous paraît plus dense, plus riche, plus compact. Ce qui en partit vrai puisque dans les faits, en limitant les crêtes, nous pouvons remonter le niveau général d’une source et faire apparaître des harmoniques d’un niveau plus faible.
Différence entre un fichier non compressé puis compressé
- Suivant l’esthétique musicale, l’utilisation des compresseurs sera radicalement différente : si pour du jazz une compression à 2:1 sur une caisse claire peut suffire, il n’est pas rare sur du rock « musclé » de se retrouver à 8:1, voir en limiteur.
- Attention au temps d’attaque et de relâchement : un temps d’attaque trop court peut casser l’énergie du jeu (fûts), trop long ne servir à rien. De même, un temps de relâchement trop court peut engendrer un effet de pompage tout à fait désagréable ( mais aussi génial si il est recherché).
- Ne compressez pas pour compresser. Écoutez vos sources, diagnostiquez les problèmes et agissez avec subtilité !
Le Noise Gate
La « porte de bruit » est un traitement qui permet de couper ou d’atténuer une source en dessous d’un certain seuil (theshold).
Le Noise Gate est généralement utilisé pour se débarrasser des résonances sympathiques, mais aussi pour raccourcir la durée de certaines sources.
Le Noise Gate “type”
Les paramètres classiques
- THR pour threshold ou seuil : il s’agit du niveau en dB à partir duquel s’ouvre la porte
- ATT pour attaque : il s’agit du temps que va mettre la porte à s’ouvrir à partir du moment où le seuil a été détecté
- HOLD pour tenu : il s’agit du temps que la porte va restée ouverte après la détection
- REL pour release : temps de fermeture après le « Hold »
- RNG pour range : niveau d’atténuation en dB. De 0dB pas de fermeture à -70dB
- Les filtres HPF et LPF servent à choisir la plage de fréquence utilisée pour la détection.
- Vous pouvez par exemple supprimer le grave dans votre détection afin que la grosse caisse n’ouvre pas le Noise Gate placé sur votre caisse claire.
Utilisation
- Le Noise Gate est outil technique de nettoyage, mais aussi créatif. Il n’est pas sans piège et ne résout pas tous les problèmes : il parfois très difficiles de régler le threshold tant les « repisses » d’une piste sur l’autre sont fortes. Trop haut vous risquez de perdre certains coups faibles, trop bas, il ne sert à rien.
- De plus, avec un threshold haut et un temps d’attaque court, un craquement peut apparaître à l’ouverture. En augmentant le temps d’attaque, vous risquez de ramollir votre source (ce qui peut être intéressant au demeurant). Il en va de même pour le hold et le release. Trop long, la porte ne ferme pas entre deux frappes, trop court des craquements peuvent apparaître.
- Malgré tout, il est difficile de s’en passer dans certaines productions.
Quelques exemples d’utilisation :
Grosse-caisse
- Maîtrise de la durée du son (plus court, plus compacte)
- Gommage de l’attaque
Caisse-claire
- Maîtrise de la durée du son (plus court, plus compacte)
- Gommage de l’attaque
Pour la caisse claire dessous
- Il quasiment indispensable, car la grosse caisse a tendance à faire vibrer le timbre de manière intempestive.
- De plus, la repisse de grosse caisse dans ce micro à tendance à être très polluante.
Toms
- Maîtrise de la durée du son (plus court, plus compacte)
- Nettoyage des résonances sympathiques (d’un tom sur l’autre, de la grosse caisse sur les toms, etc.)
- Sous peine d’avoir l’air de radoter, n’enclenchez pas un Noise Gate sans raison valable.
- Si votre batterie sonne bien sans, n’en mettez pas !
Une autre solution est possible :
- Aujourd’hui sur les DAW à l’aide des fonctions « channel strip » ou « détecter les silences ». Cette fonction vous permet de découper un fichier à partir d’un seuil, de régler un pré-roll, une durée et un post-roll.
- L’avantage de cette méthode est de pouvoir choisir les passages que vous désirez traiter, de retoucher l’attaque et le relâchement à volonté et à condition de garder le fichier d’origine pour être sûr de ne pas « rater une frappe ».
Le ducking
- Le ducking est l’inverse du Gate : on atténue ou supprime les sons forts en laissant passer les sons faibles.
- Option intéressante pour des batteries très produites. À chacun de trouver son utilisation.
L’expander/gate
- L’expander est une sorte de Noise Gate subtil qui atténue le son en dessous du seuil choisi.
- Son fonctionnement est cependant plus de celui d’un compresseur…
- Mais à l’envers. Il peut être utile sur des ambiances polluées.
Les transcients
Développé il y a quelques années, ce type de traitement dynamique peut être franchement miraculeux.
- Son principe travaillant sur les phases d’attaque et de relâchement d’une source (attack,release), permets de sculpter votre son.
- Vous pourrez « durcir » une caisse claire jouée trop mollement, rajouter de l’attaque sur une grosse caisse qui en manque, rallonger la durée d’un Tom trop court…
- L’avantage de ce procédé est de ne pas modifier le spectre ou la dynamique d’une source de manière identifiable, mais de donner l’impression d’agir sur le jeu du batteur. Et ça marche !
Les compresseurs multibandes
Aussi appelés égaliseurs dynamiques : alors que le compresseur tient compte de l’énergie globale à laquelle on le soumet, le compresseur multibande lui va travailler par plage de fréquence.
- L’intérêt pour le mixeur, c’est que généralement le maximum d’énergie se trouve dans le grave.
- Même si certains compresseurs proposent d’ignorer le bas du spectre dans le traitement, le compresseur vous offre la possibilité de travailler le bas, le bas médium, le haut médium et l’aiguë de manière indépendante sur tous les paramètres.
- Cela peut être une solution sur des overhead très musicaux dans un passage calme qui deviennent agressifs dans le pont bien bourrin que le groupe adore.
- Plutôt que de saccager le son global à l’égaliseur, vous pourrez rentrer cette agressivité en réglant correctement votre seuil et en choisissant la plage de fréquences dérangeantes.
- Cela peut être aussi utile sur grosse caisse pour maîtriser le grave, etc.
Attention cependant à ne pas en abuser : en terme de musicalité le résultat n’est pas toujours au rendez-vous. N’hésitez pas à comparer un kit « Eq, compresseur» avec un compresseur multibande
De-esser
Égaliseur dynamique à une bande, le de-esser est normalement utilisé pour contrôler les sifflantes sur les voix (il travaille traditionnellement entre 4 et 8 kHz), peut être très efficace sur les overheads, les ambiances, le charley….
En conclusion
- Tous ces traitements ne sont que des outils. Ils ont été inventés au fil des ans pour aider les ingénieurs du son dans leur travail, mais de demande de la maîtrise. Combien de prises réussies ont été massacrées au mixage par leur mauvaise gestion…
- La qualité des produits est primordiale. Nous connaissons tous des Noise Gates inutilisables, des compresseurs qui compressent mal, mais qui détruisent joyeusement vos sources.
- L’esthétique est un paramètre important : il existe un grand nombre de technologies et des approches très différentes de la part des concepteurs. À un certain niveau de qualité, il n’y a plus de bon ou de mauvais produits, mais des rendus sonores ou musicaux qui vous conviendrons plus ou moins bien. Où qui conviendront plus ou moins bien à un projet…
Faites vos essais, comparez et comme nous l’avons lu parfois : « try before buy » !
Réponses
Super
Super Tuto tres instructifs, par contre j’ai pas les images qui illustres tes propos, pourrais tu les remettre?
Merci
Hello Fabien,
excellent ton article !
merci pour toutes ces infos.
C’est seulement en remontant que j’ai reconnu le type de la photo ! Hé hé !
à bientôt Maître !
Salut David, l’article est de François Carle, je l’ai juste mis en forme; il est effectivement très intéressant, et pose quelques bonnes bases 🙂